RINDD, la parole aux participants

Quelques jours après les RINDD, nous nous sommes entretenus avec un intervenant, David Chelly, pour recueillir ses impressions sur cet évènement.

Agé de 38 ans, David Chelly a exercé pendant une dizaine d’années comme enseignant-chercheur et consultant spécialisé dans les affaires en Europe centrale et orientale.


Il s’est tourné au début des années 2000 vers l’édition de sites internet et est aujourd’hui spécialisé dans l’acquisition et le développement de noms de domaine.


David, quel enseignement majeur tires-tu de ces premières Rencontres Internationales des Noms de Domaines ?


Je vois un contraste saisissant avec les rencontres du même type auxquelles j’ai pu participer à l’étranger. Aux RINDD, il n’a pas été question d’argent, mais de débats d’idées, d’efforts de prospective et de recherche de complémentarités entre les différentes parties en présence. Cette volonté commune de fonder des bases saines pour l’éclosion d’un marché m’inspire un grand optimisme !


Quels genres de contacts cette manifestation t'a-t-elle permis de nouer ?


La problématique des noms de domaine fait intervenir une multitude d’acteurs qui, habituellement, coopèrent peu et ne se comprennent pas bien. J’ai été heureux de pouvoir me mettre en relation avec d'autres domaineurs, des juristes, des éditeurs de sites, des référenceurs et surtout des dirigeants d’entreprises, qui sont les destinataires naturels des noms de domaine, et dont il faut bien comprendre les besoins. Synthétiser les approches diverses des uns et des autres nous a permis de mieux appréhender le secteur dans son ensemble et d’affiner nos propres stratégies de développement.


Certains domaineurs sont réticents à l'idée de sortir de leur tanière, sous prétexte que la concurrence est déjà bien assez rude sur le second marché pour en plus aller échanger leurs connaissances avec leurs semblables. Qu'est-ce que cela t'inspire ?


Une partie des domaineurs évoluent au sein d’une communauté relativement fermée et dans laquelle la valorisation des noms, inspirée des pratiques anglo-saxonnes, est régie selon des standards propres, largement déconnectés des préférences des utilisateurs finaux. Critiques par rapport à toutes les nouveautés, ils se retrouvent logiquement dans une situation de pénurie d’offre et de demande et voient d’un mauvais œil toute intrusion extérieure. En se cantonnant à leurs positions et en refusant d’échanger leurs connaissances avec les autres acteurs du secteur, ils deviennent incapables de prendre les décisions qui s’imposent dans un marché plein de revirements et d’opportunités. Nul doute que l’avenir appartient aux domaineurs qui conçoivent le nom de domaine comme un élément à part entière d’une stratégie internet et non comme une simple marchandise que l’on échange sur le second marché.


Le clou de ces Rencontres selon toi ?

Lorsque la responsable du projet « dot green » s’est exprimée en anglais pour afficher les ambitions philanthropiques de son action, on pouvait s’attendre à ce que l’assistance se plonge dans l’ennui, à un moment où quelques conférenciers avaient tenté de transformer la manifestation en une réunion institutionnelle. Et pourtant, la présentation d’Annalisa Roger, qui ne concernait a priori pas les responsables d’entreprises présents, et encore moins les domaineurs et les juristes, a été l’objet d’une attention toute particulière. Preuve que chacun, au-delà de ses spécialités et de ses préférences, a conscience d’appartenir à une communauté et peut s’intéresser à un projet hors de sa sphère d’activité, dès lors qu’il est porté par une personne passionnée et altruiste.


Soyons critiques à présent. Qu'a-t-il manqué à ces Rencontres et que conseillerais-tu aux organisateurs pour d'éventuelles prochaines éditions ?


Pour les prochaines éditions, une visioconférence et l’intervention de spécialistes au Canada, en Algérie, à la Réunion ou dans d’autres parties du monde permettrait de mieux justifier cette appellation de rencontres « internationales ». Si les frontières politiques structurent les rapports économiques, sur internet il n’y a que des frontières linguistiques. Je pense que nous pourrions nous inspirer de nos voisins espagnols qui raisonnent pour les problématiques liées aux noms de domaine sur un espace de 350 millions de locuteurs, où qu’ils se trouvent dans le monde.


Qu'est-ce qui t'a le plus surpris durant ces deux jours ?

J’ai été particulièrement étonné par la convergence des opinions entre des acteurs aux intérêts et aux origines très différentes. Les représentants de l’AFNIC, de l’Agence du patrimoine immatériel de l’État ou de l’Internet Society, qui ont une vision plus pertinente du secteur que l’on pourrait le croire, ont expliqué que les organismes qu’ils représentent n’ont pas vocation à freiner le marché des noms de domaine, mais à lui offrir un cadre propice à un développement sain et durable. Cela a eu pour effet de rassurer les domaineurs mais également les représentants d’entreprises, qui ont manifesté un réel désir de se positionner sur ce marché en devenir de manière non plus uniquement défensive, mais également offensive, c’est-à-dire en choisissant d’aller au-delà de la simple protection de leurs marques.


Un mot sur l'ambiance des panels de discussion auxquels tu as pris part ?

Le format adopté, avec des discussions davantage que des exposés, a permis de rendre les ateliers animés et constructifs. A cela s’ajoute une ambiance informelle et amicale, que l’on retrouve souvent dans les réunions de la nouvelle économie. Point de tailleur, de cravate et de négociations commerciales, tous les participants ont choisi d’évoluer dans ce secteur par passion et ont comme principal objectif que de partager cette dernière, sans la moindre arrière-pensée.

A thème d'actualité, question d'actualité : ton avis sur les projets de nouvelles extensions ?


Je ne pense pas qu'il faille voir dans ces nouvelles extensions une menace particulière pour les extensions historiques, ni une opportunité particulière pour les domaineurs. Ces nouvelles extensions auront pour objectif de répondre à des besoins spécifiques, très peu d'entre elles ayant vocation à concerner le grand public. Leur réussite individuelle dépendra de l’existence ou non d’un besoin, mais également des moyens à disposition et de la qualité des personnes qui gèrent le registre. A ce sujet, la démarche du porteur du projet .bzh, sans grand moyen mais pleine d’intelligence, me semble exemplaire et à l’opposé de celles de quelques registres actuellement en exercice.


Quant aux CorpTLDs, je ne crois pas à l’échec que prédisent une partie de mes confrères. Bien sûr, il y a encore de nombreux points d’ombre qu’il faudra résoudre. Mais je sens un intérêt de la part d’acteurs économiques qui ont de longue date souhaité entrer sur ce secteur qu’ils savent prometteur, mais qui n’ont jusque lors pas encore eu l’occasion de le faire, à cause d’un marché opaque et peu liquide. Cette porte d’entrée pourrait apporter de jolies surprises, avec de nouveaux arrivants et de nouvelles idées.


Il a beaucoup été question de la transversalité des noms de domaine et de l'avènement possible de "Domain Managers" au sein des entreprises. Un emploi d'avenir selon toi ?


Je crois à la fonction, mais pas au métier. Il s’agit d’un besoin réel des entreprises et qui prendra dans les années à venir de plus en plus d’importance. Mais pour que cela devienne un métier, il faudrait des formations spécifiques, car c’est une activité relativement technique et pluridisciplinaire. Dans l’immédiat, je vois davantage ce service comme étant proposé par des sociétés déjà actives sur le secteur des noms de domaine ou bien par de nouveaux entrants, qui se positionneraient sur l’offre de domain management pour de grands comptes.


David, merci à toi de t’être prêté au jeu des questions-réponses pour Sedo et bonne continuation !


Merci et bravo aux organisateurs de ces RINDD, qui ont été réussi à faire de cet événement l’occasion d’échanges fructueux pour les uns et les autres, mais également, pour ma part au moins, un moment inoubliable au niveau de la convivialité !